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Rodolphe : dans l’atelier du scénariste aux 300 albums de bande dessinée

Professeur de lettres, critique, journaliste, concepteur d’expositions, auteur pour enfants, romancier, Rodolphe est aussi l’un des scénaristes les plus prolixes de bande dessinée. Auteur de plus de 300 livres, il nous reçoit dans son bureau en banlieue parisienne.

Bonjour Rodolphe, votre bureau est une pièce de la maison, avez-vous toujours eu une pièce consacrée à l'écriture ?

Rodolphe : Depuis que j'ai une maison, oui. Mais il y a très longtemps je vivais en appartement. Il y a des surfaces qui le permettent, d'autres qui ne le permettent pas. Aujourd’hui, ma maison est grande avec un certain nombre de pièces, donc il y en a une effectivement qui est dévolue à mon activité professionnelle, en l'occurrence tout le deuxième étage dont j'ai fait abattre les cloisons pour faire un atelier.

Rodolphe, dans son bureau en banlieue parisienne

Rodolphe, dans son bureau-atelier en banlieue parisienne, espace dédié à l'écriture de ses scénarios de BD. © ZOO Le Mag

Avez-vous un rythme particulier pour travailler ? Comment ça se passe lorsque son atelier est dans sa maison ?

Rodolphe : C'est très simple, c'est 10h / 12h45 (heure du jeu des 1000 euros), et puis 14h je remonte et j'arrête selon les jours entre 18h et 19h. Voilà, tous les jours sauf le week-end.

Avez-vous dans votre atelier toute la documentation, tous les livres que vous pouvez utiliser pour écrire ?

Rodolphe : Non, le problème des livres, comme tu l'entrevois derrière, c'est qu'il y en a plein à la maison, il y en a partout, y compris à la cave, les WC aussi en sont pleins. Les livres d'art c'est entièrement dans le bureau de madame, les bandes dessinées sont uniquement au second. Quant à la documentation, il faut avouer qu'on est tous quand même un peu tributaires de Wikipédia aujourd'hui et que la quantité d'encyclopédies de toutes sortes que je pouvais avoir, sont aujourd'hui surtout là pour la décoration. On est obligé de faire avec son temps.

Rodolphe feuilletant l'un des nombreux livres de sa bibliothèque

Rodolphe feuilletant l'un des ouvrages de sa bibliothèque, source d’inspiration pour ses récits © ZOO Le mag

Est-ce que dans votre bureau-atelier, il y a des choses qui vont participer à votre concentration ou à votre imagination ? Est-ce que vous avez besoin de vous mettre dans une certaine ambiance ?

Rodolphe : Oui ! Une ambiance très précise qui s'appelle le silence. Si tu regardes, tu te rends compte qu'il y a pas mal de disques tout autour, 11 000 environ... mais je ne peux pas travailler avec la moindre musique, ni avec du bruit, ni encore avec de la conversation autour. J'ai toujours envié mes petits camarades dessinateurs qui pouvaient travailler en atelier à 4 ou 5, chacun faisant ses planches. Pour moi, ce n’est absolument pas le cas. Je ne pourrais pas envisager d'écrire avec du monde qui tournerait autour, qui se lèverait, qui s'assoirait, etc.

J’ai besoin de silence pour me concentrer : être seul, dans un lieu clos et isolé, à l’abri de tout bruit ou interférence sonore.

Est-ce qu'il y a des objets dans cet atelier qui sont importants pour vous mettre au travail ?

Rodolphe : L'ordinateur ! Plus sérieusement, non. Des fétiches oui, si c'est ce que tu veux dire. J'ai des fétiches, mais ils changent souvent. Ma fille fait un voyage en Amérique du Sud, elle me ramène un petit objet. Le petit objet, évidemment, il est contre le clavier pendant quelques semaines.

Petits objets fétiches présents dans le bureau de Rodolphe

Objets fétiches et souvenirs personnels disposés sur le bureau de Rodolphe © Équipe ZOO

Un copain éditeur m’a offert un couteau. Comme j’aime bien le copain, je l’ai posé à côté de moi. Parfois, ces objets sont liés à mes histoires. Par exemple, dans mon roman Au Golf Drouot, quatrième enquête du commissaire Raffini, un ado à la limite de la délinquance ne se déplace jamais sans son cran d’arrêt à lame éjectable. J’en avais un moi aussi, adolescent. Ce sont des clins d’œil que j’aime glisser entre ma vie et les personnages que j’invente.


Il y a toujours des ponts entre ma vie et mes histoires. Pour Au Golf Drouot, j’avais ressorti un vieux cran d’arrêt au manche en nacre et je l’avais posé à côté de moi, comme un clin d’œil à mon personnage. Mais je n’ai pas vraiment d’objet fétiche : il me suffit d’un ordinateur, de silence… et d’un verre d’eau quand il fait très chaud.

Couteau cran d'arrêt au manche en nacre offert par un ami de Rodolphe

Couteau cran d’arrêt au manche en nacre, à ouverture automatique, exposé sur le bureau de Rodolphe, scénariste de bande dessinée. © ZOO Le Mag

Travaillez-vous sur plusieurs histoires en même temps ? Travaille-t-on de la même façon pour des romans, des bandes dessinées ?

Rodolphe : Que ce soit pour un roman, une bande dessinée, un livre pour enfants ou un ouvrage sur le rock, mon organisation reste la même : 2h30 le matin, 4h l’après-midi, soit 6 à 7 heures par jour. Et cela, tous les jours, qu’il pleuve ou qu’il fasse beau, en pleine forme ou malade. J’essaie toujours de m’astreindre à ce rythme.

Je ne travaille que sur une histoire à la fois. Il m'est arrivé d'en interrompre pour des raisons tactiques. Notamment à l'époque des revues, où il y avait brusquement la nécessité de faire une histoire de 6 pages pour X ou Y. Le rédacteur-chef m'appelle, il faut absolument faire ceci donc là interruption, effectivement. Mais globalement, je prends une histoire et je l'amène de A à Z. Du démarrage jusqu'à sa conclusion. Je me vois mal travailler sur plusieurs projets en même temps. Il y a une logique dans une histoire. Quand je suis dans une histoire, je vis avec mes personnages. Les personnages prennent corps, ils prennent réalité. Ils viennent me tarabuster même dans mon sommeil, m'empêchant de dormir, racontant leurs histoires à 3h du mat, alors que je n'en ai rien à faire à cette heure-là, ils sont omniprésents, ils font partie de mon environnement. Je ne peux pas les traiter comme ça, à la va-vite, les interrompre, je suis pris avec eux, je suis pris dans un déferlement. L'histoire avance, il faut se cramponner parce que cela se met parfois à descendre très vite, comme un rapide, d'autres fois ça s'assèche. Hop, je me retrouve le cul sur un gros caillou, ça ne bouge plus. Et c'est encore plus angoissant, évidemment.

Mais ce que je veux dire par là, c'est que quand je suis dans une histoire, je ne suis pas que dans une histoire qui m'accapare et qui déteint sur ma vie et sur mon quotidien, je suis totalement immergé dans un récit avec des personnages qui font partie de mon environnement proche.

Pour raconter vos mémoires (Old School ? éditions PLG), est-ce que le fait d'être chez soi, ça vous a permis d'aller fouiller dans des choses pour vous rappeler des souvenirs ?

Rodolphe : Non, en fait au départ, la première chose par rapport à ce livre, c'est que ce n'est pas moi qui en ai suscité l'idée. C'est Philippe Morin, le patron de PLG, ex-PLG-PPUR, le fameux fanzine Plein la gueule pour pas rond créé dans les années 70, surnommé « l'empereur des fanzines », qui est venu me voir à un salon, je crois que c'était à Blois, pour me dire : « On n'a rien fait te concernant, quel scandale, il faut absolument faire quelque chose par rapport au nombre de projets auxquels tu as participé ». Je trouvais ça flatteur, bien évidemment. Ensuite, il m'a dit, « Mais qui pourrait-on trouver pour le gérer, pour le rédiger ? » Je connais quelqu'un ! Moi, à savoir. Je connais le sujet mieux qu'un autre (rires), et j'ai la prétention de savoir écrire. Voilà comment la chose s'est mise en route. Il m'a dit : « Mais oui, tout à fait, tu as absolument raison, si ça ne te fait pas peur, allons-y ».

Donc ensuite, comment je m'y suis pris ? J'ai commencé par le début, c'est-à-dire que j'ai négocié le fait de pouvoir parler, évidemment, de bande dessinée, de l'histoire de la bande dessinée, de mon positionnement dans l'histoire de la bande dessinée, un modeste positionnement, mais d'intégrer quand même certains éléments personnels, subjectifs, relevant du privé, parce qu'il y a une interaction évidente entre les deux dans nos métiers. Philippe a été d'accord là-dessus. Puis, je suis parti en roue libre, je n'ai pas du tout compulsé d'archives, je n'ai pas d'archives, je n'ai pas plus d'archives professionnelles que privées. J'ai des photos, oui, je garde des photos, bien évidemment, toutes les photos un peu sympas, il y a une boîte à chaussures dans laquelle je les stocke. Et puis, les dessins, bien entendu, j'ai souvent des co- auteurs qui, entre-temps, sont devenus des amis, qui m'offrent des planches, qui m'offrent des dessins, qui m'envoient des cartes de vœux rigolotes. Toutes ces choses-là, il est évident qu'on les garde.

Donc, quand Philippe est venu pour voir quelle pourrait être l'iconographie du livre, j'ai juste eu à ouvrir les cartons et les boîtes. Ce sont les seuls éléments desquels je suis parti. Je n'ai ni journal intime ni professionnel, j'ai fait ça au ressenti, comme on dit à la météo. C'est une telle période, j'ai fait revenir en mémoire des souvenirs. J'en ai oublié certainement beaucoup, pour quelles raisons, je ne sais pas, parce que cela me semblait anecdotique, parce que je n'avais pas le bon rôle, mais je n'ai pas pu tout mettre. En outre, on avait convenu de faire un livre de moins de 300 pages, pour des raisons tactiques, techniques et financières. Je lui ai donc remis entre 120 et 150 pages, disons, de manuscrits. Et puis, lui et le maquettiste ont travaillé pour en faire un livre, puisque ces pages n'étaient juste qu'un conducteur texte. J'ai essayé de le séquencer selon les époques de ma vie hors professionnelle, c'est-à-dire l'enfance, l'éducation, les études, et puis le moment où on se jette dans le grand bain, c'est-à-dire gagner sa vie. J'y raconte comment j'ai d'abord été libraire, enseignant, et puis le moment où je suis entré petit à petit dans l'écriture et dans l'écriture de scénarios, via des rencontres remarquables, avec des gens remarquables, comme Jean-Claude Forest et Jacques Lob. J'ai aussi essayé de me souvenir de ce qui s'était passé à telle ou telle époque.

Alors, il y a des périodes qu'on saute, j'ai fait des rapprochements entre... Mais j'ai surtout essayé de donner de la vie, que ce ne soit pas une espèce de suite de chroniques un peu sèches, un peu techniques, datées et tout, mais que ce soit... comme ça revient en mémoire, comme la mémoire fonctionne, c'est-à-dire de façon un peu chaotique, avec beaucoup d'affects, c'est souvent l'affect qui guide les choses. Et voilà, en fin de volume, je m'excuse précisément de ce côté un peu fourre-tout, et puis à chacun de picorer et d'y trouver ce qu'il veut.

Vue d'ensemble du bureau de Rodolphe

Vue d'ensemble du bureau de Rodolphe, avec sa bibliothèque et sa collection de guitare © Équipe ZOO

C'est un exercice difficile de parler de soi ?

Rodolphe : Pas automatiquement, parce que j'allais dire qu'on est un petit peu préparé à ça par le travail même de l'écriture. On a souvent quand même pas mal de frangins dans les personnages qu'on met en scène. Mais j'avais quand même plusieurs choses qui me gênaient dans l'écriture de ce livre. C'était ce côté mise à nu, même si on met en scène des personnages qui peuvent nous ressembler, là, ce ne sont pas des personnages qui nous ressemblent, c'est nous-mêmes. Donc, ce qu'on dit sur son environnement... Et puis, alors, autre question en parallèle.

Cet environnement, il y a effectivement, de mon côté, beaucoup de gens qui ont disparu, à commencer par ma famille. Même s’il y a encore beaucoup de gens qui sont là, ma compagne, mes filles, la plupart de mes co-auteurs et amis, etc, je me surveillais un petit peu quand même, quant à ne pas partir sur certaines choses qui pourraient être mal lues, mal comprises. C'était donc une tâche assez complexe. À la fois, ça réjouissait Philippe, qu'il puisse y avoir des petites anecdotes un peu croustillantes, quelques secrets… Et en dernier point, il y avait le fait que je cite beaucoup de gens avec qui je continue à travailler, malgré mon âge. Et donc, je n'avais pas envie de me fâcher avec qui que ce soit pour pouvoir continuer (rires). Les mémoires sont une espèce de point final qui est donné à une carrière, une trajectoire. Mais la mienne de trajectoire continue.

Couverture de l'album

Couverture de l'album "Old School ?" de Rodolphe publié chez PLG © Rodolphe, PLG

Si on revient sur l'écriture, toute la partie de production se fait dans votre atelier, mais tout ce qui va être idées, recherches de traits de personnages, prenez-vous des notes lors de vos sorties ?

Rodolphe : Non, je ne prends pas de notes. Je suis toujours en roue libre. Je n'ai pas de scénario d'avance, ce qu'on m'a parfois reproché. Je n'ai pas de notes. Les seules notes sont dans ma tête. Je fonctionne uniquement sur l'immédiat, sur le vécu, sur ce qui reste des rencontres, des gens que j'ai vus déjeuner à côté de moi, justement. Je n'ai pas le syndrome Paul Léautaud qui regrettait de ne pas avoir pris plus de notes à l'enterrement de sa mère.

Quand je commence une histoire, très souvent, je ne sais pas comment elle va se terminer. Donc c'est en improvisation complète. Je suis un peu dans la lignée des feuilletonistes du XIXe siècle. De Théophile Gautier à Balzac, en passant par Victor Hugo lui-même, qui étant payé à la ligne, faisait des suites dialoguées énormes.

Je suis sur le fil du rasoir, ne sachant pas trop de quoi demain sera fait. Mais je trouve ça formidable d'avoir cette liberté. J'en ai beaucoup parlé avec mon ami Franck Giroud, un garçon que j'estimais beaucoup. On se voyait très régulièrement quand il montait sur Paris. Et lui, il avait une technique totalement différente. Il faisait plus qu'un synopsis, il faisait une espèce de mise en place de l'ensemble de l'histoire, une espèce de pré-découpage formidablement détaillé. Ce que je ne fais pas. Il n'y a quasiment rien. Un bout de synopsis pour plaire à l'éditeur, dont je n'en tiendrai pas compte après. Je suis toujours dans l'impro.

Rodolphe à son bureau

Rodolphe à son bureau © Équipe ZOO

Pour les dessinateurs qui travaillent avec vous, ça ne doit pas forcément être « rassurant ». Vous leur fournissez le scénario complet ou par étapes ?

Rodolphe : Au contraire, c'est très rassurant, parce que je fournis toujours la globalité de l'histoire. Ils ont le point final, ils ont le descriptif des personnages. Il n'y a pas le coup de théâtre dans lequel on découvre que ce sympathique personnage est en fait le traître de l'histoire. Ce qui fait éventuellement regretter aux dessinateurs de l'avoir traité de telle ou telle façon. On sait tout à l'avance, c'est complet. Éventuellement, j'y joins des documents, des photos. On discute longuement de la chose. Je peux les appeler tous les jours pour qu'on rediscute d'un petit point, savoir s'ils sont bien d'accord là-dessus. C'est un travail de collaboration. J'aime beaucoup ce ping-pong qu'on entretient à deux pour construire l'histoire.

Plus ça va, plus je sollicite le co-auteur pour participer ces derniers temps. Ce qui pour moi reste capital, ce sont les dialogues. Je suis avant tout un dialoguiste. C'est comme ça que je pense être perçu. C'est vrai que laisser quelqu'un d'autre écrire un dialogue à ma place, je ne pourrais pas. Le dialogue reste ma partie. Maintenant, pour l'élaboration d'une histoire, oui, chacun y met du sien, dans des détails comme dans des grandes choses. C'est un travail d'écoute et d'échange. C'est un jeu entre deux personnes.

Avant l'ordinateur aviez-vous un stylo « fétiche » ?

Rodolphe : Non, les stylos auxquels je tiens tout particulièrement ce sont mes Montblanc, qui ne sont pas que des stylos mais mes armes de dédicace. Dans la mesure où j'ai un stylo encre avec une plume à pointe large qui donne une belle écriture qui permet, pour peu que mon co-auteur soit absent ce jour-là, de remplir néanmoins une page entière et de donner l'impression qu'il y a de la matière. Sinon, j'écris avec le premier machin qui me tombe sous la main. Ça peut être un stylo BIC, ça peut être un crayon à papier bleu ou vert. Ça n'a strictement aucune importance. Ce ne sont, aujourd'hui en tout cas, que des brouillons qui partent tout de suite dans la poubelle après que je les ai transcrits sur l'ordinateur.

À l'époque, quand il n'y avait pas d'ordinateur, j’utilisait une petite Olivetti et c'était déjà le luxe et encore avant, c'était sur des papiers écoliers avec les lignes de tracé. Mais ce qu'il fallait surtout, c'était le papier carbone. C'est-à-dire avoir un double. Donc ça impliquait, pour répondre précisément à ta question, le fait que le stylo devait être suffisamment pointu et manipulé avec une certaine force pour être sûr que l'écrit passait bien à travers le carbone, qu'il passait bien sur la seconde feuille. Je n'ai pas de fétichisme. Non, la seule chose au niveau stylo, c'est que si je fais une dédicace et que je n'ai pas mes Montblanc, je ne fais pas de dédicace. C'est vraiment capital ! Là, on peut dire que c'est une forme de fétichisme.

Rodolphe : Rodolphe ou l’art du scénario !

La marque Montblanc est une référence de stylos d'exception depuis 1908 © Équipe ZOO


Il n'y a pas de nostalgie par rapport au papier carbone ?

Rodolphe : Non, non, non. S'il y a des points qui reviennent, c'est dans l'expression, c'est dans la mémoire, c'est dans ce qui sort de la personne. C'est, à mon sens, pas dans les outils qu'elle va utiliser. Et quand je dis outils, c'est éventuellement le stylo ou la machine, mais c'est également le fait de choisir un médium plus qu'un autre. Faire une histoire sous forme de bande dessinée, ou de romans, ou de livres pour enfants. Je pense que le point commun n'est pas l'outil dont je me sers, mais la thématique, le côté récurrent de certains sujets, de certains thèmes, de certaines obsessions.

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